Une aube blanche se levait derrière les hautes fenêtres qui déversaient une lumière grise entre les immenses étagères de la bibliothèque.
Pensive, Joy se tenait prés de l'une d'elles. Encore une nuit passée à l'ombre des livres, une lanterne à la main, au fil des mots, avec le grattement de sa plume pour se tenir éveillée, déchiffrant à la lumière des bougies les serpentins d’encre des milliers d’ouvrages.
Elle bâilla longuement et largement, puis fit quelques pas sur le parquet grinçant, goûtant le silence de l'aube qui nappait le château. A cette heure où la nuit laissait à peine la place pour le jour naissant, personne n'était encore éveillé: l'ombre nocturne s'enfuyait au fil des minutes, laissant chacun sous le lourd édredon d'un sommeil qui n'allait pas tarder à prendre fin.
Silencieuse, elle traversa l'immense salle toute bruissante du souffle du temps qui filait sur les pages des livres s'agitant parfois, comme des dormeurs aux prises avec quelque cauchemar tardif.
Elle longea la réserve, plongée dans l'ombre, puis leva le nez vers le second niveau de la bibliothèque, en mezzanine, qui dominait de haut les tables d'études désertes à cette heure et qui d'ordinaire étaient bondées d'étudiants plus ou moins studieux. Une chandelle achevait de se consumer derrière les carreaux noircis d'une lanterne, brillant faiblement comme une étoile qui aurait oublié de s'éteindre, posée sur le firmament du plafond plongé dans l'obscurité.
La jeune femme aimait venir découvrir avec autorisation du directeur les trésors de la bibliothèque, leur cortège de rêves glissés entre les pages des livres comme des fleurs séchées, leurs bataillons de héros et de merveilles. Quasiment toutes les nuits, Joy venait dans la grand salle silencieuse qu’elle peuplait de songes et du chuchotement des pages remuées.
Joy regagna la table où elle s‘était installée, entourée d'étagères pleines de parchemins qu'elle n’avait pas encore prit la peine de ranger, et encombrée d'un capharnaüm qui tenait debout par un obscur miracle de l'architecture. Elle se glissa jusqu'à son fauteuil où elle se laissa tomber dans un grincement de bois malmené par les années. La jeune femme parcourut de son regard translucide son domaine préféré,paisible, puis s'affaissa sur elle-même et posa son front sur les deux centimètres de libre au bord de sa table.